Sortir : Dans Villa Amalia, vous incarnez à nouveau une pianiste ?
Isabelle Huppert : C'est différent. Dans La pianiste, c'est l'idée qu'un sentiment amoureux ne pourra jamais égaler la perfection de la musique. Dans Villa Amalia, elle se sépare de sa vie matérielle, se retrouve comme au bord d'un gouffre. C'est la fuite ou la mort. Elle veut fabriquer sa propre vie. Elle ne trouve pas la réponse en elle, mais dans le monde autour. Le point commun entre les deux films, c'est la musique, c'est l'expression ultime de l'émotion.

Sortir : Et vous, quels points communs avez-vous avec vos personnages ?
I.Huppert : Des personnages sont plus extériorisés que moi, d'autres tiennent plus de l'expression d'un fantasme, d'une intimité. Ils ne sont pas tout à fait comparables. Ceux qui tiennent plus de la confession trouvent une raisonnance des uns avec les autres. Je me sens proche de ce personnage car son expression est proche de moi. L'écart entre ce que je suis et ce qu'elle exprime est extrêment mince. C'est possible dans les films qui tournent de manière extrêmement complète autour de soi, qui s'enroulent autour du personnage.

Sortir : Le personnage cherche à « éteindre sa vie d'avant». C'est aussi, au fond, une manière d'appréhender un rôle ?

I. Huppert : On peut souvent prendre les grands rôles comme des métaphores de la condition de l'actrice. Souvent elle change de nom, de visage... Le film raconte bien cette dimension constitutive de la nature humaine, qui consiste souvent à rêver d'un ailleurs. On supporte la vie, parce qu'on a un ailleurs. En tant que comédienne, on peut aussi vouloir sortir de certains rôles. Il y a une sorte de correspondance entre le mouvement du personnage et le mouvement de l'actrice. Mais quand je joue un rôle, c'est pour m'en débarasser. Dès que le personnage apparaît à l'écran, il ne m'appartient plus.

Sortir : C'est aussi pour cela que vous êtes à l'aise avec des personnages un peu « torturés » ?
I. Huppert : Partant de ce principe mécanique, je suis à l'aise avec n'importe quel personnage.

Sortir : Mettre en scène, c'est quelque chose qui vous attire ?
I. Huppert : Pas du tout, et en même temps, on me le demande tout le temps ! Diriger, c' est vraiment un changement de statut, c'est passer de l'enfance à l'âge adulte. Quand on est acteur, on est quand même dans un espace qui n'a rien à voir.

Sortir : C'est pourtant un peu ce que vous devrez faire à Cannes...
I. Huppert : J'ai déjà été jury à Cannes. A ce propos, je suis en train de lire le livre de Gilles Jacob (La vie passera comme un rêve, Robert Laffont). Mais je ne dirai pas ce qu'il faut faire. Chacun sa méthode.