Dans son nouveau Made in Italy, Stéphane Giusti dresse le portait satirique d'une Italie berlusconienne tiraillée entre modernité et conservatisme, à travers l'histoire de Luca (Gilbert Melki) et de sa famille, retrouvant leur pays d’origine à la mort du padre flambeur...

Sortir : Encore un film sur l’Italie…
Stéphane Giusti : Pour moi, c’est plutôt un film à tendances autobiographiques, pour lequel j’ai d’ailleurs pas mal puisé dans mes souvenirs familiaux. Cette dualité France-Italie me ressemble beaucoup : le soir, je me couche français et le lendemain, je me lève italien… C’est une question à laquelle je n’ai toujours pas répondu. Ce problème d’identité, on le retrouve tout au long du film à travers le personnage de Luca et son métier d’écrivain : au début du film, il écrit en français, qui n’est pas sa langue d’origine, et se retrouve confronté à des problèmes de création… qu’il résout à la fin en s’exprimant en italien, après avoir retrouvé l’amour de son pays.

Sortir : Pour rester sur Luca, qu’est qui vous a plu dans ce rôle, Gilbert Melki ?
Gilbert Melki : Ce qui m’a attiré, c’est de pouvoir jouer les deux personnages (Luca et son père) avec leurs différences, c’est très amusant. Mais le problème avec Luca, c’est qu’il n’aime pas assez les femmes ! En revanche, le père, c’était un bonheur à jouer : il se lâche, va boire des coups, drague les filles, c’est un personnage d’une autre époque ! Et puis j’ai vécu un certain temps à Rome, où j’ai appris l’italien en donnant la réplique au théâtre, c’est revenu de suite sur le tournage. Et surtout, jouer entouré de femmes, c’est parfait, je les laisse volontiers m’étouffer, j’adore ça !

Sortir : Et vous Françoise Fabian, votre rôle d’ex-femme de tombeur italien ?
Françoise Fabian : Pour ma part, je suis assez familière de ce genre de personnages, j’en ai connu beaucoup en Italie : il y en avait un, il allait manger son plat de pâtes chez sa première amante, un deuxième chez l’autre, idem chez la troisième, à la suite ! Tout ça pour ne pas leur faire de peine… Un autre avec qui j’étais en tournage, à chaque sortie, il nous présentait une compagne différente. Les Italiens sont comme ça, ils ne peuvent pas se ranger, ils existent dans l’infidélité et ont un goût exacerbé pour le jeu, la séduction, le pari…

Sortir : Et Amira Casar, une fois n’est pas coutume, on ne peut moins sexy dans le film ?
S. Giusti : Son personnage vit dans l’ombre du père, enfermé dans son cocon… et puis elle s’aperçoit que son père l’aime et se libère. Etre une fille d’Italien, ce n’est vraiment pas facile, on est un peu la femme de son père. Du coup, elle n’a pas conscience de sa féminité et se montre complexé…

Sortir : Le ton reste satirique envers la situation en Italie…
S. Giusti : C’est le but : j’avais envie de m’amuser avec la réalité, la désorganisation italienne, qui me plaît beaucoup, même s’il faut quelque peu forcer les traits pour les besoins de la comédie ! La pizza comme seule chose non pervertie par la mafia ou le gouvernement en Italie, point de vue d’ailleurs confirmé par la récente affaire de la mozzarella, ou la fille qui se fout à poil à la télévision pendant les infos, c’est une réalité en Italie, qui de loin peut paraître ridicule et consternant, mais qui, chez eux, est totalement assumé. D’ailleurs, les Italiens aiment bien rires d’eux-mêmes et se reconnaissent dans ce portrait. A cela s’ajoute une perte de valeurs, de mémoire, qui transparaît, par exemple, à travers le personnage de la journaliste. La mémoire, c’est important, dans le bon comme dans le mauvais sens…

G. Melki : Ça me rappelle d’ailleurs une anecdote : j’étais en vacances en Ombrie, arrêté à une station service, au rayon souvenirs, il vendait des bustes en plâtre de Mussolini … Vous imaginez la même chose en France avec Pétain ! Ça démontre que l’image de l’Italie flamboyante avec un homme puissant à sa tête reste marquante, aujourd’hui encore. D’ailleurs, je sais pas pourquoi j’en ai pas acheté une, histoire d’en avoir la preuve !